Il y a des courses qu’on ne court pas, mais qu’on vit de l’intérieur. Des épreuves où l’on ne cherche pas la ligne d’arrivée pour soi, mais pour un autre. Cette année encore, pour la cinquième fois depuis 2015, j’ai eu l’honneur d’accompagner Pascal Biebuyck sur le Paris-Colmar, cette épreuve mythique de marche athlétique de grand fond, qui célébrait son 99e anniversaire et sa 76e édition.

Une équipe soudée, deux véhicules, une mission
Avec Philippe Debourse, Freddy Denis, Corentin (le fils de Pascal), nous formions une équipe fidèle et bien rodée. Deux véhicules, des relais constants, des ravitaillements précis, des soins, des mots, des silences. Et cette année, Corentin et moi avons assuré les lives Facebook et les publications sur les réseaux sociaux, pour que les proches, les amis, les passionnés puissent suivre cette aventure en direct.

Mon rôle : suivre, ravitailler, encourager
Pendant plus de 22 heures, j’ai alterné entre voiture et vélo, toujours à ses côtés, toujours à l’écoute. Ravitaillement, gestion des pauses, encouragements dans les moments creux… Mon rôle, c’est d’être là, discret mais présent, utile sans être envahissant. C’est une course d’endurance pour lui, mais aussi pour nous, les accompagnateurs.
Et quand la fatigue le gagne, quand les kilomètres s’allongent, un mot, un regard, une barre énergétique au bon moment peuvent tout changer.

Nous avons pris nos quartiers dès le mardi dans un camping à Neuilly-sur-Marne, pour préparer le prologue du mercredi. L’ambiance était studieuse, concentrée, mais déjà teintée d’émotion.
Une course de souffrance… et de maîtrise
Pascal s’est élancé sur la Cabu, une épreuve de 250 km, avec un prologue à Neuilly-sur-Marne le 4 juin, puis des étapes à Château-Thierry, Vitry-le-François, et d’autres communes jusqu’à l’arrivée à Colmar le 8 juin.
Pascal a bouclé 171 km en 22h34, terminant neuvième chez les hommes. À 57 ans, il signe là son dixième Paris-Colmar, une performance exceptionnelle, marquée par la douleur, la ténacité… et une volonté intacte. Il rêve déjà de la 100e édition en 2026

Dès la première étape, des trombes d’eau s’abattent sur les marcheurs. Les pieds souffrent, les ampoules apparaissent. Pascal, lucide, reconnaît une erreur : ne pas avoir consulté le podologue dès le premier soir. Mais dès la deuxième étape, les soins sont là, et le miracle opère : il peut marcher entre 65 et 70 % de chaque étape, comme le règlement le permet.

Et malgré la douleur, malgré les descentes rendues délicates par ses pieds meurtris, il avance. Il grimpe les cols avec force, il tient bon dans l’effort, sur la route des vins, inédite cette année. Et il franchit la ligne d’arrivée sur la place Rapp à Colmar.
Une performance immense, dans des conditions automnales, pour un homme de 57 ans qui n’a rien perdu de sa détermination malgré des prothèses à chaque genou.

Une arrivée, un hôtel, et une promesse
Après l’arrivée à Colmar, nous avons pris un peu de hauteur – au sens propre comme au figuré – en séjournant dans un hôtel luxueux au pied du Col du Bonhomme. Un moment de repos bien mérité, dans un cadre apaisant, avant la remise des prix à Plainfaing le dimanche.

C’est là, devant les autres marcheurs, les bénévoles, les familles, que Pascal a annoncé son intention d’être au départ de l’édition du 100e anniversaire en 2026. Une édition qui s’annonce déjà mythique, avec un parcours de 523 km pour les plus téméraires, et une version moyenne de 340 km à laquelle Pascal compte bien participer.

Paris-Colmar, c’est bien plus qu’une course. C’est une aventure humaine, une traversée de beaux villages, de journée et de nuits, de silences. C’est le bruit des pas sur l’asphalte, les relais dans la lumière des phares, les sourires furtifs des bénévoles, les encouragements d’inconnus au bord de la route.
Et c’est surtout l’amitié. Celle qui dure, celle qui se renforce à chaque édition. Pascal et moi, on se connaît depuis longtemps. Mais c’est sur ces routes, dans ces moments suspendus, qu’on se comprend sans parler.
Ce que je retiens
Accompagner, c’est marcher à côté, sans jamais prendre la lumière.
C’est être là, dans l’ombre, mais essentiel. C’est connaître les besoins avant qu’ils soient exprimés. C’est vivre la course sans la courir.
Voir Pascal franchir la ligne, c’est une émotion brute.
Pas pour le classement. Pas pour le chrono. Mais pour ce qu’il a traversé. Pour ce qu’on a traversé ensemble.
Et si je devais résumer ce Paris-Colmar 2025 en un mot ?
Loyauté. Celle d’une équipe, d’un ami, d’un engagement qui ne faiblit pas.


