Dimanche 23 avril 2023
La météo annonçait de la pluie et peut être même de l’orage. Il n’en sera absolument rien. Ce marathon sera le plus ensoleillé et l’un des plus chauds que j’ai couru. En fin de matinée, le mercure monte bien au-dessus des 20 degrés. J’ai eu le temps de bronzer et le soleil ne nous a pratiquement jamais quitté.
La préparation a été bonne. Tout est au vert pour accompagner mon amie Florine Tanghe sur les 42 kilomètres qui vont nous conduire des abords du Stade Euganeo au centre de Padoue, l’arrivée est sur la sublime place du Prato della Valle.
Nous nous sommes réveillés suffisamment tôt, on a pris un bon petit déjeuner et nous sommes en tenues au moment de rejoindre la ligne départ. On a une petite heure d’avance. Le départ est annoncé à 8h30 et nous arrivons sur place vers 7h30. Nous avons assez de temps pour un échauffement et une pause toilette.
Il y a du monde sur la ligne de départ, pendant notre échauffement on a croisé les Kenyans et les Ethiopiens qui sont venus pour la gagne, nous nous serons au milieu du peloton. Nous allons faire de notre mieux pour rallier l’arrivée dans les meilleurs délais.
Florine espère franchir la ligne en moins de quatre heures, mais je sais que le marathon est une épreuve où il faut surtout écouter ses sensations, ne pas se concentrer sur le chronomètre et tenter de prendre du plaisir.
Notre départ se réalise dans un bon rythme, nous sommes entre 5 minutes 10 et 5 minutes 25 secondes au kilomètre. La mise en route n’est jamais évidente le jour J. On ressent parfois quelques douleurs et il faut le temps que la machine se mette en route. Ce ne sont pas les quelques kilomètres réalisés en échauffement qui permettent de prendre facilement son rythme de croisière.
Les 5 premiers kilomètres me paraissent « long ». Il y a des coureurs de toutes les nationalités qui sont présents, mais on entend essentiellement parler italien. Le public présent sur le bords des routes crient de nombreux « forza » et ils n’hésitent pas à nous applaudir.
Albane et Jonathan, les amis de Florine, sont sur le bords de la route pour nous encourager. Ils se trouvent en haut d’un pont au cinquième kilomètre, mais nous ne les apercevons pas. Peut être parce que nous sommes concentrés sur nos foulées. Florine a son téléphone et un camelbak avec elle. Elle envoie des messages pour prévenir de sa progression. Padoue est un marathon qui ne possède pas de suivi en temps réel.
Les 5 kilomètres suivant me semblent plus facile, les 10 premiers kilomètres sont parcourus en 52 minutes et 51 secondes, notre allure me semble vraiment bonne et nous progressons bien.
Je conseille à Florine de se placer derrière d’autres coureurs pour s’économiser au maximum et pouvoir garder une allure la plus régulière possible. Il faut être relâcher au niveau du haut du corps pour gagner quelques pulsations.
J’essaye de ne pas louper les ravitaillements, notamment pour pouvoir attraper les bouteilles d’eau. Le soleil est bien présent et il ne faut pas hésiter à se rafraîchir.
Les coureurs parlent en italiens. Il évoque la nutrition, mais aussi le sommeil. Il n’est pas facile de comprendre précisément ce qu’ils se racontent et encore moins de leur répondre. Mais leurs conversations amènent un peu d’exotisme à notre épreuve.
Nous maintenons notre cadence. Les routes ne font que monter et descendre. Heureusement, les pourcentages ne sont pas très élevés. Nous passons au semi (21,1 KM) en 1 heure 52 minutes et 20 secondes. Florine m’annonce deux kilomètres avant ce passage à mi-course qu’elle ne sent pas très bien. Pourtant devant Albane et Jonathan, elle retrouve une foulée assez correcte et ses jambes semblent tourner correctement, mais nous savons tous les deux que la fin d’un marathon peut être bien plus compliqué à gérer que les premiers kilomètres. J’essaye, comme je le peux, de la rassurer.
Je sens bien que Florine mord sur sa chique. Qu’elle va essayer de tout donner pour terminer, mais que le fait de vouloir passer sous les quatre heures va être très compliqué si elle n’arrive pas à maintenir une foulée régulière et une bonne allure.
Je la laisse gérer ses sensations et ses émotions. Je ne veux pas la pousser et la forcer à battre son record. Le plus important pour moi est de terminer. Forcement, elle me dit qu’elle a mal et que c’est vraiment très compliqué pour elle. Je ne veux surtout pas la pousser ou lui crier dessus. L’important est qu’elle vive sa propre expérience sur cette distance. Je ne suis présent que pour l’épauler.
J’essaye de lui parler le plus positivement possible pour qu’elle garde sa lucidité, mais c’est bien plus facile à dire qu’à faire. On arrive tout doucement dans les instants difficiles. Elle arrive du kilomètre 22 à 32 à garder une allure de course proche des dix kilomètre heure.
Il devient ensuite vraiment compliqué de maintenir cette cadence. Les kilomètres 34 à 39 me semblent interminables. Elle n’arrive pas à garder de la facilité dans sa foulée et il est impossible de la forcer à courir en 6 minutes au kilomètre. Les meneurs d’allures nous dépassent, ce qui ne me rassure pas. Les montées présentes sur le parcours semblent de plus en plus difficiles.
Je ne peux m’empêcher de lui faire la leçon. Je lui rappelle que le chrono n’est pas important, mais que je veux qu’elle termine ce marathon sans marcher, sans s’arrêter et qu’elle est très certainement capable de se faire mal un peu plus que ce qu’elle ne le fait. Elle me dit aussi qu’elle se moque du chrono, mais qu’elle va tout faire pour terminer. Elle a d’ailleurs envie de s’arrêter et elle me le dit. « Tais-toi où je m’arrête là ». Mais elle retrouve du courage. Peu importe le chrono l’important est de franchir la ligne.
La fin des parcours est vraiment casse-pattes. On rentre véritablement dans Padoue. On court sur des minuscules pavés. On traverse des places, des rues commerçantes. Le public nous encourage. La distance annoncée par les organisateurs par rapport à celle sur nos montres GPS ne correspond absolument pas. Peu importe, la délivrance est proche. La ligne est devant nous.
Mon 13e marathon est terminé et le second de Florine également. Une nouvelle aventure se termine. Malgré le chrono, on peut en être fier. Nous ne nous sommes pas arrêté, nous n’avons pas abandonné et surtout nous n’avons pas marché. Alors on a pas « battu » le temps réalisé à Paris en 2018, mais réussir presque le même chrono sous cette chaleur c’est un petit « miracle ». Le chrono annonce 4 heures 3 minutes et 53 secondes, mais selon mon GPS nous sommes passés au marathon 4 heures 1 minutes et 8 secondes, ce qui est mieux que le chrono réalisé à Paris cinq ans auparavant. Je suis classé 762e et Florine 763e sur 1250 coureurs.
Nous pouvons être fiers et heureux d’avoir réalisé cette course. Une expérience en commun qui en vaut véritablement la peine. Je trouve la médaille vraiment très belle.